Un document de 1947 (l'après guerre)

(techniques d'époque pour bidouilleurs)

Reproduction d'un article d'époque, pour se fabriquer une prothèse auditive à tubes.

L'auteur utilise des tubes spéciaux pour postes de radio à piles : 1S5 et 3S4.

Ces tubes sont de la série appelée "miniature" ils fonctionnent avec une tension

de 15V et 1,5V.

Revue Toute la Radio

N° 117 Juillet-Aout 1947

Texte de l'article

Amplificateur pour sourds

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Miniaturisation


La réalisation que nous vous présentons est, nous le pensons, encore inédite en France. Il s’agit d’un amplificateur basse fréquence à 3 lampes. Comment, direz- vous, ami lecteur : encore un ampli... mais " Toute la Radio " nous a déjà donné de nombreuses descriptions d’amplificateurs de toutes sortes, de toute puissance. Eh bien, non, ce que nous vous décrirons aujourd’hui n’est pas un de ces monstres gros mangeurs de courant qui, à grand renfort de 6L6 et de haute tension, vous délivre 25 ou 50 watts modulés.  
Nos prétentions étant plus modestes, la haute tension est de l’ordre de 16 volts et les filaments demandent 1,5 V avec une intensité totale de 150 mA.

Posons le problème


Le problème était le suivant : il. s’agissait d’étudier et de construire un amplificateur portatif, léger, peu encombrant, indépendant du secteur, destiné à l’usage d’une personne dont l’ouïe est déficiente.
Cette personne utilisait auparavant un de ces amplificateurs d’origine américaine, constitués par un micro à charbon alimentant un relais formé d’un écouteur dont la membrane agit à son tour sur un autre micro à charbon, lequel débite enfin sur un écouteur placé derrière l’oreille, afin que les vibrations soient transmises au nerf auditif par l’intermédiaire des os du crâne, Les vieux amateurs de radio, de l’époque héroïque de la galène, auront reconnu là le principe de l’amplificateur de l’abbé Tauleigne, lequel fonctionnait parfaitement « sur le papier e, mais quand on passait à la réalisation pratique, pour obtenir un résultat, cela demandait pas mal de patience...

Le principe de cet appareil, par ailleurs fort bien conçu et étudié, pêche par un grand défaut: ce sont les microphones empoyés. Chacun connaît les avantages et les inconvénients du micro à charbon qui est robuste et très sensible, mais, par contre,. déforme et, surtout, produit un bruit de souffle puissant de par son principe même. Dans les derniers appareils de surdité, le constructeur avait étudié de près cette question et l’avait résolue en partie en employant un charbon de cornue spécial et dont les billes sont soigneusement calibrées et polies avant le montage du microphone.

Vers la solution


Le problème ètant ainsi posé, nous nous sommes tournés pour la construction de notre amplificateur, vers le iricrophone piézo-électrique, peu sensible, mais fidèle et sans souffle. Son inconvénient est le manque de sensibilité, mais nous sommes parvenus à le surmonter, en utilisant, comme pour un gros appareil, une lampe préamplificatrice.  
Restait une question primordiale à résoudre: la question de l’encombrement, Le sourd réclame un appareil sensible, puissant, fidèle et, surtout, de petites dimensions, facilement portable et discret; donc il fallait faire petit.
Nous avons adopté, pour contenir l’ensemble, un boîtier de lampe de poche, du type dit d'"officier", légèrement plus long que le modèle normal.
Dans ce boîtier, il nous fallait loger l’amplificateur proprement dit, comprenant 3 lampes, la pile HT., la pile B,T., le microphone et la commande de puissance-interrupteur. A l’étranger, on trouve du matériel miniature qui aurait facilité le montage, Mais en France, nous attendons encore les importations. Nous ne connaissons ce matériel que par les descriptions des revues étrangères.
Voici comment nous avons résolu ces divers problèmes de dimensions :

Les lampes.

— Nous avons employé 1 préamplificatrice, 1 première basse et 1 lampe finale de puissance. Nous avons réussi à nous procurer 3 lampes miniatures provenant des surplus américains. Leurs dimensions sont les suivantes : hauteur 47 mm; diamètre 19 mm. Ces lampes, quoique peu encombrantes, le sont encore de trop. Pour bien faire, il aurait fallu trouver des modèles subminiatures plus petits et mieux adaptés à cet usage.
Les caractéristiques de ces lampes sont pour un usage normal, les suivantes : filament 1,4 V -50 mA, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas exigeantes; tension plaque 67,5 V. Voici les types employés: préamplificatrice 1S5; 1ère BF 1S5; lampe finale 3S4,  
Les piles.
— Pour la basse tension, la question de dimension s’est trouvée assez rapidement résolue: nous avons employé un élément de la classique pile de lampe de poche qui aous donne 1,5 V. Le débit est inférieur pour les 3 lampes à celui d’une ampoule en usage dans les boîtiers d’éclairage dont la consommation est de 200 mA. C’est dire que cette pile peut assurer sans faiblir, un service d’une dizaine d’heures.
Pour la pile dite de H.T., si l’on peut employer cette expression, puisqu’elle ne fait que 15 V, le problème était plus compliqué. Toutes les piles du commerce sont  rop grosses, même le modèle type Stylo dont la hauteur est de 35 mm et le diamètre 10 mm. Nous étions limités par la place disponible et, de plus, la consommation anodique totale est insignifiante, nous disons même ridicule : elle est, en effet, de 0,7 mA, La pile H.T. ne s’use donc pas par débit et meurt seulement de vieillesse. La question débit ne se posant pas, l’élément peut être minuscule.
Faisant toujours appel aux surplus américains, nous avons décortiqué et démonté une pile américaine de 103,5 V d’un encombrement déjà réduit. Après avoir démonté 10 éléments, nous avons entrepris un délicat travail de chirurgie: réduire de moitié la hauteur de l’élément. Ce travail a été fait au bocfil pour couper proprement le zinc et le charbon de cornue; ensuite remontage de l’élément en tassant bien la matière active (attention, très important) et pour terminer, assemblage en série des 10 éléments dans un boîtier de carton avec paraffine fondue.
Le microphone employé, ainsi que nous l’avons déjà dit, est du type piézo-cristal; l’élément prévu poùr cet usage est f abriqué en France.  
Le montage de l’appareil permet de brancher soit un écouteur ultra-léger et réduit, à cristal également, ou un frappeur-cristal à appliquer contre l’os situé derrière l’oreille.  
Ouvrons ici une parenthèse pour expliquer l’emploi de ces deux appareils. Il existe deux catégories de sourds, les premiers que l’on peut classer parmi les durs d’oreille et dont la surdité est relativement légère; ceux-là utilisent l’écouteur appliqué sur l’oreille.
Les seconds, dont la surdité est plus importante et qui n’entendent plus du tout par le conduit auditif, utilisent ce que l’on appelle la conduction osseuse, c’est-à-dire la propagation des sons jusqu’au nerf auditif par l’intermédiaire des os du crâne. Pour ceux- là, on emploie donc un frappeur, qui n’est autre qu’un écouteur modifié, afin que les  vibrations frappent directement et mécaniquement l’os situé derrière l’oreille, un des endroits les plus favorables pour entendre.
Enfin, pour terminer la description du matériel, voici le potentiomètre-lnterrupteur destiné à doser la puissance des sons. Aucun potentiomètre du commerce ne présentait les qualités requises : grande résistance (2 MO) et, surtout, encombrement réduit. C’est pourquoi uous avons sorti du "cimetière" du vieux matériel, un rhéostat en usage sur les Sonora ». Ce modèle très plat fait 2 MO. Après l’avoir modifiè en potentiomètre et ajouté un interrupteur, II convenait parfaitement.

Montage  


Nous avons alors entrepris le montage du châssis.., dimensions 64 mm X 23 mm. L’intervalle compris entre les lampes a été utilisé pour placer les condensateurs de liaison et de découplage plaque. Le montage est classique ainsi qu’on peut le voir sur le schéma. Remarquer les fortes valeurs employées comme résistances de plaque, de grille et d’écran, en raison de la faible tension plaque. Les condensateurs de liaison plaque-grille doivent être sans pertes, en raison même de la forte valeur de résistance de fuite de grille.  
Tous les éléments ayant été calculés d’avance au point de vue encombrement, le montage dans le boîtier est relativement facile. La sortie B.F. est montée d’une façon un peu spéciale, permettant de brancher soit un éçouteur ordinaire, soit l’écouteur cristal. Dans ce cas, le branchement est fait avec un condensateur série et une bobine à fer, aucun courant ne devant passer sous peine de le détériorer.  

Conclusion  

Les résultats sont très bons, forte sensibilité et puissance, malgré la faible tension plaque. Pour un "entendant" normal, on comprend une personne chuchotant à 10 mètres. Pour le sourd, il y a possibilité de suivre facilement une conversation avec une personne placée à 4 ou 5 mètres.  
Notons enfin, en passant, qu’il suffirait de très peu de chose pour transformer cet amplificateur en récepteur radio, comprenant détectrice, 1ère BF et BF de sortie.  
G. LEVY.

Commentaires

Apparition des tubes subminiature

L'article est de 1947, et, un an plus tard vers 1948 apparaissent les tubes submniatures (pencil tubes) beaucoup plus petits, connus depuis 1940, mais seulement disponibles vers 1948. Ils permettaient une miniaturisation plus poussée.

Pour les systèmes à transistors il faudra attendre vers 1955-1960.

Les appareils commerciaux (avec tubes subminiatures de 1948-1955) ressemblaient à ceci :

Phonak 1952

Ces appareils à tubes électroniques (appelés souvent Sonotone) représentaient la miniaturisation extrême qui était possible à cette époque de l'après guerre.
Ils tenaient dans une poche de chemise.
La marque suisse Phonak existe depuis 1947.  3 tubes étaient utilisés : Raytheon CK518AX et deux… Philips DF 66.

DF66 Mullard Philips

Ci-dessus : Le tube DF66

Cet article nous montre le progrès. En 1947 un bricoleur averti en électronique pouvait fabriquer une prothèse auditive de la grosseur d'une lampe de poche de l'époque :

Ensuite avec les tubes subminiatures ces prothèses sont devenues plus petites. Avec les transistors elle tenaient sur l'oreille et aujourd'hui en 2015 elles peuvent tenir dans le conduit auditif . En outre elles travaillent en numérique et elles sont informatisées. Elles disposent de possibilités audio permettant d'ajuster finement  les paramètres de fréquences. Elles ont des fonctions d'intelligence artificielle et réagissent à l'environnement. Leur consommation d'énergie est insignifiante. 


FIN 9 Juin 2014. MAJ 16 Juillet 2015 (Mobile Friendly).