Vie sociale à Arbin au IIème siècle (essai)

De l'an 100 à l'an 200 après Jésus Christ !!!

(Nous sommes en Allobrogie, la période est prospère)

Pourquoi " essai " ? Parce qu'en matière d'histoire, s'agissant de données très anciennes, remontant à plus de 1800 ans, il est déconseillé d'avoir trop de certitudes. Des erreurs sont possibles et les différents auteurs ne sont pas tous du même avis. Donc sur fond historique il y a toujours un peu de fiction.

Nous sommes en l’an 160, ARBIN, qui ne s’appelle pas encore “Arbin" est un village situé au bord de la grande voie romaine qui conduit de Vienne (à côté de LYON) capitale de l’ALLOBROGIE jusqu'à ROME (capitale de l’empire romain).

Ici à ARBIN vivent 2 populations qui se sont mélangées. Des Allobroges et des Romains.

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Des Allobroges

Ce sont des Celtes, certains disent un des peuples gaulois, assez semblables aux autres Gaulois de la Gaule, ils constituent environ 90% de la population, parlent un dialecte celtique et doivent déjà connaître (plus ou moins bien) le latin qui est la langue de la puissance occupante et aussi le seul langage permettant de parler avec des marchands extérieurs, ainsi qu'avec les fonctionnaires de l'empire romain. (Comme l'anglais aujourd'hui ! et peut-être dans 2 siècle le chinois !!).

Les Allobroges sont arrivés ici entre le 9°- 7° siècle et le 3° siècle avant Jésus-Christ. Ils ont recouvert progressivement une population rurale ligure de l'âge du bronze.

Rappel sur les Ligures :

(Ceux d'avant l'arrivée des Allobroges).

Les Ligures sont un peuple alpin protohistorique d'Europe (Immédiatement après le néolithique entre 2000 et 450 av. Jésus-Christ). Comme ils n'avaient pas de tradition écrite, ils ne sont connus que par les sources grecques et latines (très péjoratives à leur sujet), les traces supposées de leur langue se retrouvent dans la toponymie. Ils furent décrits par les écrivains romains de l'antiquité comme un peuple alpin, brun, trapu, de petite taille. Ils vivaient d'agriculture et d'élevage, connaissait le pain de céréales. Selon les écrivains de l'époque ils étaient très primitifs.

Vers le VIIIème siècle avant J.C. les Ligures vivent dans des villages fortifiés par une enceinte en pierres sèches.

Selon Félix Bernard, l'historien local d'Arbin, les villages fortifiés sans ciment, étaient appelés "meillans". Ces villages étaient établis tous les 5 à 6 kilomètres environ, près des plus anciens chemins. Certains "meillans" ont gardé leur nom antique. Le "meillan" d'Arbin qui a pu transmettre ce qualificatif à la petite ville limitrophe Montmélian. Le nom d'une autre commune voisine Myans, viendrait aussi de ce vocable. Meillans et cités lacustres du lac du Bourget (Savoie) ou du lac Léman (France et Suisse) étaient contemporains.

D'où étaient-ils venus ?

L'origine des Ligures reste énigmatique. Les maigres informations linguistiques dont on dispose font penser à deux composantes, l'une aurait une origine antérieure à l'arrivée des populations de langues indo-européennes, l'autre correspondrait à des populations qui auraient formé un rameau des Celtes (ou des Proto-Celtes). De nombreuses spéculations à ce sujet ont été faites.

Donc on ignore d'où ils venaient et le peu que nous connaissions de leur langue ne permet pas de déterminer s'ils étaient des Indo-Européens ou s'ils constituaient un stock de populations plus ancien. Certaines théories admettent même qu'ils seraient indigènes de nos contrées et ne seraient que la suite des hommes préhistoriques (le fameux fond européen non immigré descendant des hommes de Cro-Magnon ?).

Conclusion sur ces Ligures :

De tout cela il faut conclure que les Ligures, qui vivaient avant l'arrivée des Allobroges étaient bien organisés, cultivateurs et sédentaires : élevage d'animaux domestiques et culture de la terre.

Des Romains :

Environ 5 à 10% de la population, ils parlent latin (encore le vrai ? ou peut-être déjà le latin populaire ?). Ils se sont installés pour des raisons administratives ou encore parce qu'ils trouvent ce village charmant. Les Romains savent lire et écrire... Ils communiquent et commercent avec leur terre d'origine. Des produits locaux sont exportés vers Rome. Il faut bien assimiler que l'empire romain, qui est à son apogée au IIème siècle, a fait aménager des voies de communications multiples et de bonne qualité (pour l'époque). Ce même empire romain est une fourmilière d'échanges commerciaux. Le deuxième siècle est une ère prospère où règne la paix dans les Alpes.

Les familles romaines sont au nombre approximatif de 6. Il y a notamment les ALBINUS, Les SEXTINUS, les MARCELLUS.

Pompeius ALBINUS (avec sa famille) est un haut fonctionnaire romain, exerçant la fonction de sous-gouverneur de la LUSITANIE (le Portugal). Avec une faible marge d'erreur historique on peut dire qu'il a fait édifier sa résidence secondaire à Mérande (un lieudit d'ARBIN). Cette villa comprend 70 pièces. Les familles romaines sont très grandes et comprennent tous les parents possibles, ce sont plutôt des tribus.

Pompeius ALBINUS possède un grand domaine foncier dont toutes les vignes du flanc de montagne depuis ARBIN jusqu'à Saint Pierre d'ALBIGNY.

Le vin produit s'appelle la BITURICA ALLOBROGICA c'est à dire la boisson des Allobroges. Il est exporté à ROME et les Romains l'apprécient. Il coûterait à ROME 30 sesterces l'outre de 36 litres ou 1000 sesterces l'amphore.

Allobroges + Romains = Gallo-romains

En fait avec le temps ces populations se sont adaptées entre elles et mélangées, ce sont des gallo-romains. La culture romaine a apporté une langue écrite, compliquée mais homogène, un système administratif très élaboré, une activité commerciale, et des inventions comme le moulin à eau, les bains, l'hygiène. La protection militaire romaine engendre une stabilité et une prospérité.  Les Allobroges se sont progressivement romanisés. Leur langue celte disparait peu à peu, elle est remplacée par un latin certainement "adapté" et simplifié qui sera à l'origine des dialectes locaux en quelques siècles (entre le IIème et le IXème siècle). Le latin classique (le vrai, [appellation d'origine contrôlée !!!]) peut être encore connu par les personnes ayant reçu une très bonne instruction. Le latin tardif, celui du IIème siècle est déjà différent, il était utilisé et écrit par toute personne ayant une instruction suffisante, donc sachant lire et écrire. En ce même IIème siècle commence à naître le latin utilisé par l'église. Le latin tardif deviendra ensuite le 'bas latin" après la dégénérescence progressive de l'empire romain vers le IVème siècle (date symbolique de la chute de l'empire romain : 476). Mille ans plus tard au moyen âge le latin médiéval (encore une adaptation du latin) servira de langue internationale en Europe (Comme l'Anglais de nos jours !).

La majorité des habitants allobroges sont des ruraux, ils cultivent la vigne et les céréales, pratiquent l'élevage, chassent le sanglier, ils ont des animaux domestiques: cochons, poules, vaches. Il y a aussi des chiens et des chats.

Un écrivain grec nommé Strabon qui vivait à l'époque d'Auguste (naissance vers 64 av. J.-C. - décès vers 23 après J.-C.) raconte ceci :

Les Allobroges, autrefois, étaient un peuple innombrable de soldats, aujourd'hui ils cultivent les plaines et les vallons des Alpes. Les uns vivent dans des villages, les autres, les plus puissants, habitant à Vienna, qui fut autrefois un village, bien qu'elle fût qualifiée de capitale de ce peuple, en ont fait une cité. Elle est située sur le Rhône. Strabon, Géographie, IV, 20

Parmi ces romains, gallo-romains et Allobroges il existe des classes sociales. L'aristocratie locale (celte allobroge) qui a toujours existé, est enrôlée dans l'armée romaine ou intégrée progressivement dans l’élite municipale voire même sénatoriale. L'habileté des romains réside dans le fait de ne pas avoir détruit l'aristocratie locale, mais plutôt de l'avoir incitée à adhérer au système romain par intérêt et par fascination via à vis de la grandeur de Rome. L'organisation et le mode de vie romain s'imposeront donc naturellement aux notables, puis au peuple. Et en 212, la citoyenneté romaine sera accordée à tous les hommes libres de l’Empire, à l’exclusion donc des esclaves.

Le système agricole romain, qui était aussi celui des élites antérieures celtes, est souvent celui des grands domaines ruraux, comprenant une "villa gallo-romaine" entourée d'habitations pour le personnel le stockage et l'exploitation. Déjà à cette époque il y avait les puissants et les pauvres gens. Une villa gallo-romaine, de campagne, c'est d'abord la demeure centrale de celui qui régit une exploitation agricole (ne pas confondre avec le mot "villa" utilisé aujourd'hui). La villa est habité par un maître de maison appelé "dominus" qui commande l'exploitation intensive et réfléchie du travail servile. Les ouvriers agricoles sont des domestiques vivant soit sur place soit dans une bourgade voisine (le vicus). Au fermage ou métayage celte a succédé le fermage ou métayage romain ou gallo-romain.

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Une villa gallo-romaine peut être faite en pierre de taille, elle est couverte avec des tuiles. Elle est généralement immense (70 pièces pour la villa d'Arbin). L'intérieur est décoré de marbre et de mosaïques, il existe un cour intérieure avec un plan d'eau, des évacuations pour les eaux usées et des tuyaux de plomb ou des canalisations en terre cuite pour amener l'eau courante.

Une maison de pauvre (tâcheron par ex.) comprend une pièce unique, elle est construite en pierres sèches, en torchis ou en bois, elle possède une charpente très grande qui est couverte en chaume. Elle peut-être ronde ou rectangulaire. Selon les moyens de l'habitant certaines maisons peuvent comporter plusieurs pièces et quelques aménagements plus confortables.

Religion ?

Les Allobroges, comme les Gaulois, et autres celtes avaient un système religieux. Dans les Alpes les Allobroges avaient leurs divinités ancestrales. Avec l'influence romaine la religion de Rome, qui était une religion officielle donc une religion d'état, s'est imposée. Certaines divinités antérieures sont toutefois restées en vigueur. (source : Irène Tournié dans "religion acculturation des peuples alpins").

Ainsi au IIème siècle nous retrouvons pêle-mêle :

Mercure et Mars sont les divinités les plus populaires de la Gaule et en particulier en Savoie (Bell. Gall., 6, 17). Divinité omnipotente, Mercure est le grand dieu viennois que l’épigraphie et l’archéologie confirme pleinement tant en Savoie (Châteauneuf, Bourget-du-Lac, etc...) qu’en Haute-Savoie (Annecy, Saint-Félix, Groisy et Villaz où il est associé à sa parèdre Maïa). De nombreuses statuettes du dieu, de facture peu élaborée, ont été retrouvées.

 Pour sa part le dieu Mars est quelquefois associé à Jupiter. Mais ce Jupiter est en version gallo-romaine adaptée, il est différnt de celui du capitole de Rome. Il apparaît associé à Mars, à Douvaine, à Junon et à Minerve à Aime, à Aix-les-Bains, à Belmont-Tramonet, aux Échelles, à Saint-Pierre-d’Albigny.

Apollon qui apparaît plutôt comme un dieu guérisseur.

Symbole d’une croyance de la survie de l’âme dans l’au-delà, le culte des dieux Mânes apparaît à Arbin sur une pierre tombale sise dans le clocher de l'église St Nicolas.

 Lien : http://www.michelterrier.fr/arbin/dm.html

Tombe romaine 2000 ans

D. M.

M. VALER

MARCIANII

DEFUNCT

ANNOR XX

M. VALLÉRIVS

MARCELLIVS

PATER;


Traduction:

Aux dieux mânes

de Marcus Valérius

Marcianus,

mort

à l'âge de vingt ans.

Marcus Valérius

Marcellinus

son père.


Voir aussi :
marcianus-valerius2.htm


Et les chrétiens ?

Félix Bernard, historien, érudit et curé d'Arbin a déduit en étudiant les mosaïques trouvées dans la villa gallo-romaine d'Arbin, que les figures révélaient des symboles chrétiens. C'est possible, mais nullement certain. En effet d'autres symboles ne sont pas chrétiens. la thèse de Janine Lanchat publiée dans Gallia XXXII 1974 est une étude plus récente et plus objective de ces symboles. Admettons que la question reste entière et intéressante.

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Certains autres habitants

Il y a, depuis l'occupation romaine, des moulins à ARBIN par ex. pour moudre le grain produit en différentes lieux de la vallée. Ceci est attesté par des mosaïques découvertes dans une villa gallo-romaine à Mérande. Nous ne connaissons pas le statut de ces moulins au IIème siècle. Ils peuvent être exploités par un "dominus" local ou par un "artisan meunier".

D'une façon générale l'artisan, en raison de sa compétence professionnelle technologique est plutôt un homme libre (jamais un esclave). Il n'accèdera pas à la richesse, ni au pouvoir, mais il subviendra aux besoins de sa famille. L'artisan peut être artiste (peintre, mosaïste, potier, par ex.) ou fabricant d'objets usuels : forgeron, sabotier, tisserand, tailleur de pierre, constructeur en bâtiment, etc. Certains artisans emploient de la main d'œuvre. Les riches gallo-romains admiraient la compétence des artisans celto-gaulois.

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Fin MAJ 21 Juin 2015 (Mobile Friendly)